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Mon chien est-il jaloux ?
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Allez, revenons à cette grande question : votre chien est-il jaloux ?
Il y a un terme que l'on voit souvent revenir en tant qu'humain de chien, c'est l'anthropomorphisme.
Pour vous expliquer simplement, je vais prendre un exemple tout bête, qui m'est arrivé il y a quelques jours.
Je me promenais dans la rue, avec Maki. Vous connaissez son passif de chien agressif. Même si ça va beaucoup mieux, je préfère être prudent, et continuer de renforcer ses bons comportements.
Nous avons croisé un chien que nous ne connaissions pas, la rencontre entre les deux loustics se passe bien. Plein d'entrain, je lui parle et le récompense chaudement.
L'humain de l'autre chien, juste en face me regarde avec des yeux de merlan frit et me dit "Pourquoi lui parlez-vous comme ça ? Ce n'est pas un enfant, arrêtez un peu !"
Cette personne en face de moi avait l'impression que je considérais Maki comme un petit humain.
Traiter son chien "humainement" ne signifie pas le traiter "comme un humain". Les chiens ont des émotions. Certes, elles fonctionnent différemment des nôtres... Mais elles existent bien.
Le plus souvent, les personnes qui vous accuseront d'anthropomorphisme ne comprennent même pas la signification de ce mot.
Scientifiquement, l’anthropomorphisme est l’attribution de réactions ou de sentiments humains à des animaux[1].
Je dis bien sentiments humains. Ceux qui sont propres à notre espèce. Pour vous donner un exemple : la vengeance.
C’est une émotion propre à l’Homme. Un chien qui détruit un canapé ne le fera ainsi pas par vengeance, mais par ennui, ou anxiété ; deux émotions que nos chiens sont bien capables de ressentir – comme la peur, la frustration, la joie, l’excitation...
Pour ces émotions-là, c’est facile.
La jalousie chez les chiens
Nos chiens sont-ils capables d’être jaloux ?
En juillet 2014 une étude passionnante “Jealousy in Dogs” (“La jalousie chez les chiens” en français) a été publiée par la revue scientifique PLOS One[2].
Je vous l’explique. Chez l’humain, la jalousie vient d’un triangle amoureux. Bien que l’origine et l’intérêt de la jalousie soit un sujet particulièrement débattu, la plupart des théoriciens semblent être en accord sur un point : La jalousie nécessite un triangle social, survenant lorsqu'un intrus menace une relation importante.
La jalousie exige donc des capacités cognitives complexes. Pour être jaloux, on doit être capable de pouvoir évaluer :
la menace rivale pour soi-même,
et pour sa relation avec la personne aimée.[3]
L’émergence de la jalousie nécessiterait donc d’avoir la capacité cognitive de réfléchir sur soi et de comprendre les intentions conscientes[4].
Nos chiens sont-ils capables d’une telle réflexion ?
Car une hypothèse semble contredire cette idée.
Chez l'être-humain la jalousie évolue dans un premier temps dans le cadre familial. Plus particulièrement au sein des relations frères et sœurs et de leurs parents.
Les enfants ont tendance à entrer en compétition pour recevoir les ressources de leurs parents. L’affection, l’argent, l’intérêt... Il existe donc une forme primaire de la jalousie. Celle-ci se déclenche sans cognition complexe sur le soi, et sans avoir le sens de l’interaction sociale.
Ici, la jalousie se déclenche par la perception qu’une figure d’attachement ou l’attention d’un proche a été capturée par “un usurpateur potentiel”. C’est une perception relativement simple – qui peut affecter de jeunes enfants... Et nos chiens ?
L’individu tente alors de regagner l’attention de la personne aimée et donc, de bloquer la liaison entre cette personne et l’usurpateur.
Cette forme primaire serait à l’origine de la jalousie plus complexe que l’on retrouve chez les humains adultes.
L’humain adulte est capable de se poser des questions comme : “Est-ce que ça veut dire que mon compagnon va me quitter ?” ou “suis-je quelqu’un qui ne peut pas être aimé ?”. Ici, l’humain interprète la situation. Cela joue donc un rôle important dans l'incitation et l’expérience de l’émotion. Ce n’est pas le cas dans la forme primaire de la jalousie.
Que la jalousie soit d’une forme primaire ou basée sur des processus cognitifs complexes, sa motivation reste la même : un besoin de restaurer la relation avec l’être-aimé et d’éliminer l’usurpateur.
"Mon chien est jaloux” : anthropomorphisme ?
L’étude Jealousy in Dogs a adapté un paradigme d’études sur les nourrissons pour examiner la jalousie chez les chiens domestiques.
Ce sont ces mêmes études qui ont permis de découvrir la théorie sur la forme primaire de la jalousie.
Les nourrissons présentaient des comportements de jalousie lorsque leur mère s’intéressait à une poupée très réaliste. Ce n’était pas le cas lorsque qu’elle s’intéressait à un livre[5].
L’expérience a ensuite été répétée sur 36 chiens, avec autant de sujets mâles que femelles. Elle ne comprend que des chiens de moins de 16 kilos et de moins de 38 cm afin de pouvoir plus facilement arrêter l’animal s’il devient agressif.
Pour évaluer la jalousie chez les chiens, les auteurs ont utilisé 3 objets :
Un chien en peluche capable de remuer la queue et d'aboyer
Une lanterne en forme de citrouille, avec laquelle l’humain jouait
Un livre musical pour enfant, que l’humain a simplement lu.
Les propriétaires des chiens ont dû interagir avec ces trois objets un à un, tout en ignorant leur animal.
La lanterne a été utilisée afin d’évaluer si la jalousie pouvait se développer avec n’importe quel objet, même inerte.
Le livre musical, lui, a permis de différencier les cas de jalousie des cas du chien simplement frustré de ne pas avoir l’attention de son humain (Dans l’expérience, l’humain ne “joue” pas avec le livre comme il le fait avec la citrouille ou la peluche : il le lit simplement).
Voici le tableau des résultats :
Clairement, c’est la peluche en forme de chien qui a suscité le plus de réactions. Peut-on en conclure qu’il s’agit de jalousie ? Pas encore.
Ce type d’objet peut être bruyant et étrange pour votre animal. Des réactions comme un aboiement ou des coups de patte peuvent exprimer de l’anxiété ou de la peur.
D’ailleurs, la seule réaction où le chien en peluche n’est pas la plus importante est le fait de remuer la queue. La lanterne en forme de citrouille, qui ressemble plus à un jouet pour le chien, a davantage suscité cette réaction.
Les chiens ont ainsi pu réagir face au chien en peluche, non pas par jalousie, mais bien par peur ou par curiosité.
Le deuxième tableau de l’étude peut appuyer cette hypothèse :
Les chiens ont été plus intrigués - et durant plus de temps - par cet objet qui bouge et fait du bruit plutôt que concernés par leur propriétaire.
Parler de jalousie, telle que les humains l’éprouvent, semble donc être inadapté pour nos chiens.
Alors, pourquoi mon chien vient quand j'en caresse un autre ?
C'est en réalité une forme de jalousie primaire. Autrement dit : considérer qu’une ressource est sienne est un sentiment bien présent chez le chien.
Je l’expérimente quotidiennement quand, par exemple, je commence à papouiller un de mes chiens. Dans ce cas, les deux autres s’empressent de venir.
En réalité, il s'agit davantage de protection de ressources. Votre chien peut aller jusqu'à agresser pour conserver l'attention de son humain. Et oui, l'intérêt que lui porter fait partie de ses ressources, au même titre que sa nourriture, ses jouets, son endroit pour dormir...
Si la protection de ressource devient trop grave, il faut entamer un processus de rééducation.
Pour conclure :
Votre chien n’est donc pas “jaloux” de l’autre animal ou humain auquel vous vous intéressez. Il est plutôt désireux de garder l'attention que vous lui accordez.
Et vous, comment votre chien réagit-il dans ce genre de moment ? N'hésitez pas à me le raconter en commentaire !
1 : https://www.researchgate.net/publication/228415470_Anthropomorphism_Behavioral_Prompts_to_Our_Humanizing_of_Animals
2 : https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0094597
3 : https://psycnet.apa.org/record/1989-98802-000
4 : Handbook of Jealousy: Theory, Research, and Multidisciplinary Approaches
5 : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1207/S15327078IN0303_6
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